Achille Nebout et Gildas Mahé (Class40 Amarris), 2èmes de la Transat Jacques Vabre

L’incroyable leçon de résistance

Leur course fera date. Amarris a fait partie des grands animateurs de la course, prenant la tête le long des côtes portugaises et se montrant audacieux en tentant une route Nord dans les alizés. Mais l’accident de Gildas, projeté dans le bateau, a obligé les deux hommes à s’adapter et à s’employer comme jamais dans un final à couper le souffle. Après 18 jours, 20 heures et 20 minutes en course, ils terminent fièrement 3èmes de la deuxième manche et donc 2èmes au rang général de cette Transat Jacques Vabre*. 

*A noter qu’il s’agit d’un classement avant jury.

C’est l’histoire d’un enthousiasme rompu à toute épreuve, d’un sourire aussi. Achille Nebout, élevé à la voile olympique, formé au Figaro, fait partie de ceux qui aiment affronter les challenges avec une motivation chevillée au corps. Cela fait dix mois qu’Amarris est devenu un projet Class40 avec un bateau rôdé (l’ex-Paprec Arkéa), un co-skipper d’expérience (Gildas Mahé) et un directeur technique dévoué (Loïc Bailleux). La saison a été riche en enseignements – 1er de l’Armen Race, 3e des Sables-Horta – suffisamment pour aborder la Transat Jacques Vabre avec l’impression « d’avoir mis toutes les chances de notre côté », explique alors Achille.

À bord, c’était « presque le monde idéal » 

Cela s’est confirmé au fil d’une première manche particulièrement harassante entre Le Havre et Lorient. Un départ « très chaud à vivre » dixit Achille, la difficulté à trouver le bon compromis entre l’envie de tout donner et « la volonté de ne pas prendre trop de risques ». À l’arrivée, les deux skippers terminent 5e, ont préservé leur bateau et conservent toutes leurs chances pour la suite. Après une semaine d’attente et le passage de deux dépressions, retour en compétition, le lundi 6 novembre.

Des grains dans le golfe de Gascogne, un passage de front au Cap Finisterre, des chocs à répétition entre la mer croisée et la coque… Il faut tenir, faire preuve de sang-froid, croiser les doigts parfois. Un exercice d’équilibriste que le duo parvient à assurer avec talent. D’ailleurs, Amarris occupe alors la tête du classement et la conserve jusqu’au passage des Canaries. À bord, tout semble parfait. Gildas Mahé en témoigne : « le bateau est en bon état, on a de l’eau, de la nourriture, on est reposé et on est en tête… C’est presque le monde idéal ! ».

L’option, l’accident, l’abnégation

La suite, c’est une décision stratégique, la volonté de faire une route Nord-Ouest quand certains choisissent une option plus Sud. La manœuvre est audacieuse mais Achille reconnaît que « sur du long terme, elle s’est révélée moins payante que prévue ». Réaliste, l’Héraultais reconnaît que « cela est difficile à encaisser » mais il en faut plus pour qu’il baisse les bras. Alors, Achille et Gildas s’accrochent, évitent les grains, jouent avec les moindres variations du vent pour en tirer le meilleur. Longtemps, Amarris fait partie d’un groupe de quatre téméraires qui filent sur cette option Nord-Ouest.

Dimanche dernier, pourtant, Achille reconnaît avoir vécu « la peur de sa vie ». Alors qu’il était assis à l’entrée du bateau, Gildas a été projeté très violemment à l’intérieur, à plus de 4 mètres de sa position initiale. Le co-skipper est touché au bras, au dos et à la hanche. Il a fallu « lever le pied pendant quelques heures » avant que Gildas ne retrouve la barre. « Plus de peur que de mal » résume Achille. La suite est un combat de tous les instants.

«  Soit c’est pétole, soit c’est cartouche « , donc le répit n’existe pas vraiment. Le finish de la course est à couper le souffle entre ceux qui viennent du Nord (dont Amarris) et ceux qui viennent du Sud. Pour Achille et Gildas, le dénouement a eu lieu à 14h26 (heure locale, 19h26 heure de métropole) quand ils ont coupé la ligne de la deuxième manche en 3ème position. L’occasion d’exulter, de se congratuler, de se relâcher et de souffler aussi. Ils viennent de participer à une des courses les plus spectaculaires offerte par la Transat Jacques Vabre. Surtout, Achille, qui vient de disputer sa course la plus prestigieuse en Class40, démontre qu’il fait pleinement partie des grands talents de cette catégorie. De quoi aborder l’avenir et les futures courses avec un enthousiasme toujours aussi intact et débordant.

ILS ONT DIT

Achille Nebout : « Il y a cinq jours, quand j’ai découvert Gildas inconscient dans le bateau, je ne pouvais pas imaginer qu’on aurait pu terminer 2e de la course ! C’est un peu inespéré, on revient de très loin, on montre que ça peut jouer jusqu’au bout, qu’il faut toujours y croire. Il s’est passé tellement de choses pendant cette course, on est passé par toutes les émotions ! Nous avons fait un super début de course, une option aux Canaries qui ne passe pas bien, une option dans l’Ouest avec un petit groupe et ce « gros coup » à faire cette nuit. 

J’ai eu la peur de ma vie en découvrant Gildas inconscient. Pendant plusieurs heures, il est resté très confus et était en boucle tout le temps pour savoir ce qu’il s’était passé… Au bout de quelques heures, ça allait un peu mieux… Il n’y en a pas deux qui se seraient remis aussi vite que lui. À la fin, il y a donc eu cette opportunité à l’Ouest pour se démarquer et ça l’a bien fait. C’était très stressant, le groupe du Sud recroisait plus vite et chaque pointage était chaud. Ce matin ça s’est décanté mais c’était super tendu. Ce bateau, on l’a aimé et on l’a détesté… C’était toujours en mode « on, off », ça tapait mais il fait ses preuves ce bateau ! »

Gildas Mahé : « Nous sommes passés par tellement d’émotions qu’on s’est déjà tout dit. On s’est battu jusqu’au bout en essayant d’être opportuniste et en veillant aux grains jusqu’au bout. Lors du choc, de la descente à la cloison de mât, je n’ai pas capté ce qu’il se passait. Je me suis retrouvé dans le bateau sur un pouf et je ne savais plus où j’habitais. J’avais un choc à la tête et au coude qui avait tout amorti. Je suis resté plusieurs heures dans la bannette avant d’aller mieux. La fin de la course ? Il ne fallait pas être cardiaque. Entre les routages et la réalité, il y avait plein de choses qui ne collaient pas. On s’est décalé des autres et on a tenté notre chance. Avec Achille, cette aventure a été géniale, c’était que du bonheur. »

Claude Robin : « Notre première année en Class40 a été tout sauf ordinaire. La Transat a été un véritable tourbillon, rempli de suspense, passionnant et parsemé de rebondissements. Ce qui ressort avant tout, c’est la confiance et les choix uniques d’Achille et Gildas, toujours optant pour des stratégies atypiques, démarquées des autres concurrents. C’est cet aspect qui me marque le plus. Ce résultat est d’autant plus remarquable après l’accident de Gildas. À un moment, le classement importait peu, l’objectif principal était pour Achille de ramener Gildas et le bateau à bon port. Puis, lorsque l’état de Gildas s’est amélioré, la compétition a repris de plus belle. Bravo à Achille et Gildas. Leur performance nous a fait vibrer, nous a terrifiés, nous a fait traverser toute la gamme d’émotions que seul le sport peut offrir. Nous sommes extrêmement fiers de vous. Le parcours d’Achille et Gildas au cours de cette transat est une source immense de fierté pour moi. Les émotions que nous avons ressenties en suivant leur course ont été intenses. Chaque étape a été captivante, décortiquer leurs choix et leurs prises de décision était véritablement fascinant. Ces aventures de navigation extrême sont remplies de joies et de difficultés authentiques à surmonter. Achille et Gildas n’étaient pas simplement deux personnes sur un bateau, une grande partie de notre entreprise était derrière eux.« 

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